07 mai 2013 –
En partenariat avec CGI
Depuis septembre 2008, les Européens font face aux conséquences d’une crise économique si forte qu’elle a profondément changé leurs préoccupations, pas uniquement à propos des questions économiques mais de manière plus générale, entrainant une montée du pessimisme, un renforcement des inquiétudes et même parfois des attitudes de rejet (que ce soit des étrangers, de la mondialisation, de l’Europe ou encore de l’Islam).
Pour comprendre comment la crise économique a profondément remodelé les opinions et les comportements des citoyens européens, mais aussi pour mettre en évidence les forces et les faiblesses sur lesquelles les Européens doivent compter pour sortir de la crise économique, Publicis a demandé à Ipsos/CGI d’interroger plus de 6000 personnes vivant dans six pays emblématiques de l’UE : France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni et Pologne. Dans chacun de ces pays, un échantillon de plus de mille personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus a répondu à un questionnaire en ligne du 14 mars au 7 avril 2013.
Le résumé des principaux enseignements de cette enquête est présenté ci-après, l’intégralité de la synthèse étant proposé en téléchargement à la fin de cet article.
I – La crise a un impact réel sur les attitudes et comportements des Européens
Pour plus de la moitié des Européens interrogés, la crise a aggravé les difficultés qu’ils connaissaient jusque là (60% dont 40% «un peu » et 20% « beaucoup »). Les Italiens et les Espagnols ont été particulièrement touchés (79% et 72%). Moins d’un Espagnol ou Italien sur trois est capable aujourd’hui d’épargner de l’argent à la fin du mois. Beaucoup d’entre eux (ou leur entourage) ont été victimes de sérieuses conséquences de la crise économique. Les Britanniques, et surtout les Allemands, sont quant à eux les moins impactés négativement par la crise : une majorité d’entre eux considère qu’elle n’a pas affecté leur vie quotidienne, ou qu’elle leur a même fait découvrir de nouvelles opportunités.
Les Français et les Polonais sont dans une situation intermédiaire : ils ont été moins impactés que les italiens ou les Espagnols, mais plus que les Allemands ou les Anglais. Les Polonais sont dans une clairement moins confortable que beaucoup d’autres pays Européens, mais l’impact de la crise est assez limité. Les Français sont quant à eux moins impactés qu’ils ne craignent l’être.
Les Européens ont changé leur comportement pour s’adapter à cette situation. Certains de ces changements suscités par la crise économique sont certes positifs (par exemple, 62% déclarent que la crise leur a fait prêter plus d’attention à l’impact de leur consommation sur l’environnement ; 61% sont incités à être plus entreprenants ou à prendre plus d’initiatives).Vertueux lorsque considérés sous l’angle de l’écologie et de la lutte contre le gaspillage, certains de ces gestes ont néanmoins un effet pervers : ils participent au ralentissement de l’économie à travers la réduction de la consommation. Ainsi, 88% des Européens déclarent que la crise les incite à beaucoup moins gaspiller ; 76% qu’elle les force à réduire leur consommation. Ces changements participent au déclin de la consommation, et nourrissent le cercle vicieux de la crise.
Dans de nombreux domaines, les Européens ont en effet déjà réduit leur consommation et prévoient de la réduire encore. C’est particulièrement le cas des Italiens et des Espagnols. Près d’un quart d’entre eux envisage même de réduire les dépenses alimentaires.
II – L’Europe semble enlisée dans la crise et la fin de cette dernière est encore peu probable
Si les perspectives d’évolution de la consommation sont aussi sombres, c’est avant tout parce que les Européens n’ont plus confiance dans l’avenir. Trois Européens sur quatre considèrent même que la crise va encore s’aggraver dans leur pays cette année. Une majorité d’entre eux a de plus le sentiment qu’ils ne contrôlent plus la manière dont leur vie se déroule. C’est plus spécialement le cas des Italiens et des Espagnols aujourd’hui. Ce sentiment de perte de contrôle nourrit indéniablement les peurs quant au futur. Une majorité d’Européens (51%) pense même que lorsque leurs enfants auront leur âge, ils vivront moins bien qu’eux (seule une majorité relative de Polonais considère que leurs enfants vivront mieux). Dans la Vieille Europe, le sentiment de la fin d’un âge d’or domine. Les Européens craignent la fin de leur système social. D’ailleurs, c’est la peur de ne pas pouvoir vieillir dans des conditions dignes qui est la plus forte des inquiétudes des Européens (40%), davantage même que la peur de perdre son emploi (19%).
Encore plus inquiétant, les Européens ne croient plus à l’efficacité des réformes. Plus de la moitié d’entre eux considère même que la crise génère des réformes qui auront un impact négatif sur la situation économique et sociale des citoyens (58%, et même 76% des Espagnols). Les Polonais sont les seuls qui croient que la crise suscite des réformes qui vont améliorer leur situation (71%). De plus, la crise est considérée davantage comme un obstacle qu’une opportunité pour faire les changements nécessaires (seulement 39% considèrent que cela nous permettra de retomber sur nos pieds en nous forçant à faire les changements nécessaires, alors que 47% considèrent au contraire que la crise nous empêche de faire les réformes nécessaires puisqu’elles pourraient empirer la situation).
Les Européens ne croient pas en un effet positif de la crise. Une majorité d’entre eux considère que leur pays en sortira affaibli (66%). Les Européens semblent persuadés d’être engagés sur une voie sans issue : celle du déclin.
III – Les acteurs de la sortie de crise : gouvernements, entreprises ou citoyens-consommateurs ?
Dans l’esprit des Européens, les acteurs institutionnels ne sont clairement pas ceux qui peuvent mettre fin à la crise. Ils sont davantage à leurs yeux responsables de l’échec du système que capables de proposer des solutions constructives à la crise. Seuls 29% pensent que leur gouvernement propose des solutions constructives. L’opposition (24%), les syndicats (27%) ou les institutions européennes (29%) ne font guère mieux. Seule une courte majorité d’Européens pense même aujourd’hui que le fait que leur pays fasse partie de l’UE est plutôt un avantage (52%). Pour une majorité d’Allemands, de Britanniques ou d’Italiens, c’est plutôt un inconvénient.
Les autorités ne sont pas seulement incapables de trouver des solutions à la crise, elles aggravent la situation selon beaucoup d’Européens. Dans leur esprit, le problème principal à résoudre pour mettre fin à la crise est d’ailleurs le niveau excessif des impôts (35%), avant même l’égoïsme des riches (27%) ou la fermeture des entreprises industrielles (25%). Les Européens, convaincus de l’impuissance des acteurs publics, jugent même majoritairement nécessaire le fait que des entreprises privées prennent en charge des services publics que seul l’Etat ou des collectivités publiques assuraient jusqu’ici (57%, et même 62% en France).
Face à l’incapacité des acteurs publics de contribuer à la sortie de crise, les entreprises apparaissent comme les acteurs les plus à même de trouver les solutions, surtout quand il s’agit de PME (45% des Européens considèrent qu’elles proposent des solutions constructives face à la crise, soit le meilleur score pour les différents acteurs testés ; 38% pour les grandes entreprises).
Cependant, pour garder cette confiance, les entreprises doivent respecter une sorte de contrat social : préserver les emplois. C’est la priorité principale qu’assignent une majorité d’Européens aux grandes entreprises de leur pays en temps de crise, avant même la baisse de leurs prix.
Conscients de la sévérité de la crise, les citoyens-consommateurs sont prêts à faire de nouveaux efforts, tant que cela n’impacte pas leur pouvoir d’achat. Une majorité est même prête à renoncer à 3 ou 4 jours de congés par an pour mettre fin plus rapidement à la crise.
Les citoyens-consommateurs essaient aussi de regagner le contrôle sur leurs vies en adoptant de nouveaux comportements de consommation (tel que le développement de l’achat et de l’échange de particulier à particulier). Ces changements, bien qu’ils participent à l’actuelle stagnation de la consommation, sont aussi un remède contre la baisse du pouvoir d’achat et l’opportunité de créer une croissance plus durable.