12/07/2005, 19h48
par Pierre-Henri de Menthon, rédacteur en chef de Challenges, auteur de « Les 200 familles qui possèdent la France »
Vous publiez le classement des 200 plus grosses fortunes de France dans Challenges du 7 juillet. Comment fait-on pour récolter ce genre d’informations ?
C’est une grosse enquête journalistique: trois mois de travail pour deux personnes, ainsi qu’un partenariat avec une société qui gère des bases de données. Le plus facile, c’est pour les sociétés cotées en bourse. Les valeurs des fortunes varient avec le cour des actions. Nous avons arrêté les valeurs courant mai. Pour les sociétés qui ne sont pas cotées en bourse mais qui publient leurs chiffres, nous avons regardé les valeurs des transactions.
Le travail le plus difficile concerne les sociétés qui ne publient aucun chiffre, celles qui sont dans l’illégalité mais qui préfèrent payer une amende. Mais, on le voit lorsqu’il y a une session d’entreprise: nous nous trompons rarement. Notre marge d’erreur n’est que de 10 ou 20%. Ceci dit, nous ne nous occupons que des fortunes professionnelles, pas des fortunes privées, les collections d’œuvres d’art par exemple.
Quelles sont les surprises du classement 2005 ?
Le changement le plus frappant, c’est l’arrivée en première place de Bernard Arnault, devant la famille Bettencourt qui possède L’Oréal. Il y a aussi le retour de Marc Simoncini, qui était sorti du classement après l’éclatement de la bulle Internet mais revient en 158e position grâce à son site de rencontres en ligne, Meetic. A l’inverse, Jean-Luc Delarue a fait de mauvaises affaires avec sa société Réservoir Prod, et sa fortune a été divisée par deux.
Sur la masse, on a des indications sur l’état de forme des différents secteurs d’activité. Tous les secteurs liés au vieillissement de la population se portent bien: la pharmacie, la santé, les maisons de retraite, comme Jean-François Hénin, société Maurel et Prom, en 66e place et en progression de 223%. Il y a deux secteurs qui connaissent un marasme cette année: la distribution, et les fortunes du bordelais où les vignobles souffrent.
Combien faut-il posséder pour figurer dans le classement ?
Il y a un vrai emballement, les riches sont de plus en plus riches.
La fortune minimale d’insertion dans le classement, la « Fmic », s’élève cette année à 41 millions d’euros, contre 32 millions d’euros en 2004 et 14 millions en 1996. Les milliardaires en euros sont au nombre de 33 en 2005. C’est davantage qu’au plus haut de la bulle Internet, en 2000, où ils étaient 30.
Il n’y a donc jamais eu autant de milliardaires. Cela s’explique: les fortunes sont internationales. Or la croissance mondiale est plus élevée que celle de l’hexagone. Et ce sont des entreprises qui de manière générale sont mieux gérées que les entreprises dont l’actionnariat est éclaté. Le capitalisme familial fonctionne mieux que le capitalisme actionnarial.
Propos recueillis par Baptiste Legrand, Nouvel Observateur