Observatoire des inégalités, 29 janvier 2013
NB : les articles originaux sur le site de l’Observatoire des inégalités contiennent des graphiques qui ne peuvent être reproduits ici. Deux articles sont parus le même jour : les inégalités de salaires hommes-femmes : état des lieux ; l’évolution des inégalités de salaires entre hommes et femmes.
Avec la généralisation de l’emploi féminin et l’élévation de leur niveau de qualification, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes se sont réduits. Mais depuis 15 ans la situation stagne.
Dans les années 1950, les femmes employées à temps complet [1] percevaient en moyenne les deux tiers des salaires masculins. A partir de 1994, elles ont dépassé les 80 %. Le processus s’est effectué essentiellement en une vingtaine d’années (de 1973 à 1993), et il est bloqué depuis le milieu des années 90 (la série connaît une rupture méthodologique en 1994) autour de 81 ou 83 %.
Deux grandes raisons expliquent le rattrapage. Les discriminations purement liées au sexe (difficiles à mesurer) ont diminué : la généralisation du travail salarié des femmes a banalisé leur emploi, au moins dans certains secteurs (droit, médecine et communication par exemple). Surtout, la scolarisation des filles a nettement élevé le niveau de qualification des femmes sur le marché du travail. Les places des hommes et des femmes dans la société se sont rééquilibrées.
Que se passe-t-il depuis 15 ans pour que le rattrapage soit stoppé, alors que le niveau scolaire des femmes relatif à celui des hommes n’a cessé de s’accroître ? Tout se passe comme si les femmes étaient confrontées à un « plafond de verre » qui les empêche d’atteindre l’égalité. Un grand nombre d’emplois qu’elles occupent se trouvent dans le secteur des services peu qualifiés : grande distribution, services domestiques, etc. En même temps, de nombreux postes à responsabilité les mieux rémunérés leurs restent fermés. Enfin, une proportion plus importante de femmes que d’hommes semble refuser la compétition qui résulte d’un marché du travail très hiérarchisé et de plus en plus tendu. Pour de nombreuses raisons : par choix personnel – orienté notamment par l’éducation des jeunes filles -, du fait de contraintes – comme le fait de garder des enfants -, ou parce qu’elles savent qu’elles partent dans la compétition avec un handicap.
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A temps plein, les hommes gagnent 31 % de plus que les femmes. Tous temps de travail confondus, l’écart est de 37 %…
L’état des lieux
Le salaire mensuel net moyen des hommes est de 2 263 euros pour un équivalent temps plein, celui des femmes de 1 817 euros (données 2010). Les hommes perçoivent donc, en moyenne, un salaire supérieur de 24,5 % (en équivalent temps plein) à celui des femmes. Ou, ce qui revient au même, les femmes touchent en moyenne 80 % du salaire des hommes, donc inférieur de 20 % (voir plus bas notre encadré méthodologique sur la façon de mesurer l’écart). L’écart mensuel moyen est de 446 euros, soit presque un demi Smic.
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Plus on progresse dans l’échelle des salaires plus l’écart entre les femmes et les hommes est important, les premières étant beaucoup moins nombreuses dans le haut de l’échelle. Toujours en équivalent temps plein, le niveau de salaire maximal des 10 % des femmes les moins bien rémunérées représente 92 % du salaire maximal des 10 % des hommes les moins bien rémunérés (1 096 euros pour les femmes contre 1 197 euros pour les hommes). Le salaire minimum des 10 % des femmes les mieux rémunérées équivaut à 77 % du salaire minimum des 10 % des hommes les mieux rémunérés (soit 2 812 euros pour les femmes contre 3 663 euros pour les hommes). Si l’on prend en compte les 1 % les mieux rémunérés, c’est encore pire : les femmes touchent au mieux un salaire équivalent à 64 % de celui des hommes (les femmes gagnent au mieux 5 635 euros contre 8 798 euros pour les hommes).
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Qu’est-ce qu’un salaire en « équivalent temps plein » ? |
Les salaires en équivalent temps plein permettent de prendre en compte les emplois à temps complet et à temps partiel. On transforme un salaire obtenu à temps partiel en déterminant à quel niveau il aurait été si l’emploi avait été à temps plein. |
De l’écart total à l’écart « toutes choses égales par ailleurs » (données 2009)
1- L’écart total : les femmes touchent 27 % de moins
Tous temps de travail confondus (on ne transforme pas les salaires obtenus en temps partiel en équivalent temps complet), les salaires féminins valent en moyenne 73 % des salaires masculins, selon les données 2009 publiées par le ministère du travail (Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes, Dares Analyses n°16, ministère du travail, mars 2012.). Les femmes touchent donc 27 % de moins (100 % -73 % = 27 %) que les hommes. Vu autrement, les hommes touchent 37 % de plus (100 divisé par 73, voir notre encadré méthodologique).
Les femmes touchent 27 % de moins ou les hommes 37 % de plus ?L’écart de salaires hommes-femmes est présenté du point de vue masculin. On mesure combien les femmes touchent de moins que les hommes. Pour notre calcul, cela donne 100 moins 73 = 27. Divisé par 100 = 27 %. Rien n’empêche d’adopter un point de vue féminin, et de rapporter l’écart aux salaires des femmes. On obtient toujours 100 moins 73 = 27, que l’on divise par 73… pour obtenir 37 %. On mesure combien les hommes gagnent de plus que les femmes. Aucune des deux méthodes n’est plus « juste » ou meilleure. Mais il est frappant de constater que celle qui aboutit au chiffre le plus faible s’est imposée dans le débat public. |
2- L’écart pour des temps complets : les femmes touchent 24 % de moins
Le premier facteur explicatif des inégalités de salaires provient des différences de temps de travail. Les femmes sont cinq fois plus souvent en temps partiel que les hommes : leur revenu tous temps de travail confondu est logiquement inférieur à celui des hommes. De plus, le temps de travail des hommes est aussi accru par les heures supplémentaires qu’ils effectuent plus souvent que les femmes. Pourtant, en comparant des salaires à temps complet, les femmes perçoivent encore 24 % de moins (ce qui revient à dire que les hommes touchent 31 % de plus).
3- L’écart à poste et expérience équivalents : les femmes touchent 9 % de moins
Si l’on tient compte des différences de statut d’emploi (cadre, employé, ouvrier), d’expérience, de qualification (niveau de diplôme) et de secteur d’activité (éducation ou finance) environ 9 % de l’écart demeure inexpliqué.
Cette différence de traitement se rapproche d’une mesure de la discrimination pure pratiquée par les employeurs à l’encontre des femmes. Cependant, d’autres facteurs non mesurés ici peuvent entrer en jeu et justifier partiellement ce phénomène, à l’instar de la situation familiale, du domaine du diplôme possédé ou des interruptions de carrière. La discrimination pure serait de l’ordre de 6 ou 7 %.
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Les écarts dépendent aussi de la catégorie sociale
L’inégalité des salaires entre hommes et femmes est la plus forte chez les cadres (28,8 %) et donc parmi les salaires les plus élevés. A l’inverse, l’écart le plus faible se trouve parmi les employés (8,3 %), une catégorie majoritairement féminisée.
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