Par Emilie Lévêque – publié le 21/01/2014 à 16:47, mis à jour le 22/01/2014 à 09:08
Le Forum mondial de Davos, rendez-vous du gotha de la finance, a découvert que les inégalités étaient le principal risque qui menaçait le monde dans les années à venir. L’ONG Oxfam dénonce elle-aussi ce fossé grandissant. Interview.
Le Forum économique mondial de Davos, rendez-vous annuel du gotha international de la finance et de la politique, se réunit du 22 au 25 janvier dans la petite station de ski huppée des Alpes. Quelques 2500 participants sont attendus, dont une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Surprise, le Forum fait du creusement des inégalités dans le monde un de ses sujets de discussions de l’année. Qu’en pense l’ONG Oxfam qui a publié à cette occasion un rapport sur les inégalités économiques dans le monde. Interview de Sébastien Fourmy, du directeur des campagnes d’Oxfam France.
Comment ont évolué les inégalités économiques depuis la crise?
Elles se sont amplifiées rapidement, dans la plupart des pays. La crise n’a eu qu’un impact limité dans le temps sur les plus riches, qui se sont depuis considérablement enrichis tandis que les plus pauvres se sont appauvris. Les 1% les plus riches possèdent près de la moitié de la richesse mondiale tandis que 99% de la population se partage l’autre moitié. Les 85 plus grosses fortunes mondiales possèdent autant que 3,5 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale. Ce creusement des inégalités n’est pas réservé aux pays riches : il se constate aussi dans les économies émergentes et les pays pauvres.
Quelles sont les causes de ce creusement des inégalités?
Il est en grande partie dû à la déréglementation financière et à l’évasion fiscale. Cette fraction de la population la plus riche évolue en dehors des règles fiscales qui s’appliquent à la majorité des citoyens. Par ailleurs, cette population privilégiée a non seulement accaparé les richesses, mais aussi confisqué le pouvoir politique. Ce sont les riches élites qui gouvernement et qui dès lors servent leurs propres intérêts.
Le Forum économique mondial (WEF) a identifié le fossé persistant entre riches et pauvres comme le principal risque qu’encourt le monde au cours des années à venir. Quel est ce risque?
Pour le gotha de la finance, il s’agit certainement d’un risque financier. Selon Oxfam, cette aggravation des inégalités risque surtout de conduire à des conflits sociaux et démocratiques violents, comme cela a été le cas lors du Printemps arabe. Sans une véritable action pour réduire ces inégalités, les privilèges et les désavantages se transmettront de génération en génération. Nous vivrons alors dans un monde où l’égalité des chances ne sera plus qu’un mirage.
Que faire pour éviter ce risque?
J’espère que les dirigeants politiques réunis à Davos vont avoir une véritable prise de conscience des dangers que fait peser cet accroissement des inégalités. La première urgence, c’est de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Il faut aller beaucoup plus loin en matière d’échange automatique d’informations et prévoir de véritables sanctions contre les territoires non coopératifs. Ensuite, il faut promouvoir dans les pays pauvres et émergents la mise en place d’une fiscalité progressive et redistributive, ainsi qu’un système de protection sociale. Il faut aussi poser la question de la confiscation des recettes issues du pétrole et de l’extraction minière, afin que ses bénéfices profitent à la population. En Europe, les coupes massives dans les dépenses publiques ont eu des effets désastreux sur les populations les plus fragiles. C’est un enjeu pour les élections européennes à venir : il faut élire des représentants au Parlement européen qui mettent un coup d’arrêt aux politiques d’austérité drastique menées depuis la crise.
Article original sur le site de l’Expansion.