L’évolution des inégalités de revenus en France | Observatoire des inégalités

Le 9 décembre 2012

Les inégalités de revenus se sont accrues au cours des dix dernières années. Le revenu annuel moyen des 10 % les plus modestes s’est élevé de 400 euros entre 2000 et 2010, celui des 10 % les plus riches de 8 950 euros.
Le jugement que l’on peut porter sur les inégalités de revenus dépend de l’échelle de temps et de l’instrument de mesure que l’on utilise. Contrairement à une thèse répandue, la question n’est pas de « faire dire ce qu’on veut aux chiffres », mais de se mettre d’accord à la fois sur les dates d’observation et les outils.

Depuis les années 1970

L’outil utilisé le plus souvent pour mesurer les inégalités de revenus est le rapport entre ce que touchent les 10 % les plus riches et ce que touchent les 10 % les plus pauvres. C’est une mesure relative des inégalités. Les statisticiens appellent cet indicateur, le « rapport interdécile ». Plus exactement, il ne s’agit pas de ce que « touchent » les plus riches et les plus pauvres, mais de valeurs limites : le rapport entre le niveau de vie minimum des 10 % les plus riches (ce qui s’appelle un décile, le neuvième) et le niveau de vie maximum des 10 % les plus pauvres (un autre décile, le premier). Tout cela, après impôts directs et prestations sociales.

Avec cet outil, et si l’on observe les choses depuis les années 1970, la diminution est nette : le rapport interdécile est passé de 4,6 à 3,5. On peut bien parler d’une baisse des inégalités qui a eu lieu entre 1970 à 1990, ensuite l’évolution est très faible.

Rapport entre le niveau de vie des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres
1970 1975 1979 1984 1990 1996 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Rapport 4,6 4,1 3,5 3,5 3,3 3,5 3,3 3,4 3,4 3,4 3,4 3,4 3,5
* Estimation. Revenu après impôts et prestations sociales. Lecture : en 2008, le niveau de vie le plus bas des 10 % les plus riches était 3,4 fois supérieur au niveau de vie le plus élevé des 10 % les plus pauvres. Légère rupture de série en 2005.
Source : Insee

L’évolution entre 2000 et 2010

Il est juste de mesurer les évolutions des inégalités sur une longue période, les commentaires sur les variations d’une année sur l’autre n’ont pas grande valeur compte tenu des écarts de mesure. Mais remonter 40 ans en arrière est tout de même une bien longue période. Si l’on se concentre sur les dix dernières années, l’observation est différente. Surtout si à la place des « déciles », on observe le revenu moyen annuel de chaque tranche de 10 %. Une très forte progression des 5 % les plus riches peut ne rien modifier à la valeur du neuvième décile (celui qui sépare les 90 % les moins riches des 10 % les plus riches), mais elle va accroître la valeur moyenne de la tranche. Les moyennes comprennent des très bas et des très hauts revenus, qui ne sont pas pris en compte quand on ne s’intéresse qu’aux valeurs limites des tranches.

L’observation que l’on peut faire sur dix ans est sensiblement différente. Entre 2000 et 2010, le niveau de vie moyen annuel des 10 % les plus pauvres a progressé de 5,3 % soit 400 euros, une fois l’inflation déduite. Le niveau de vie moyen des 10 % les plus riches a augmenté de 18,9 % soit 8 950 euros. L’écart relatif entre ces deux catégories a augmenté : en 2010, les plus modestes touchent 7 fois moins que les plus aisés, contre 6,3 fois en 2000. En valeur absolue, l’écart est passé de 39 700 en 2000 à 48 250 euros en 2010. En moyenne, les 10 % les plus riches ont gagné près de 9 mois de Smic net supplémentaires en dix ans.

Evolution des niveaux de vie moyens annuels
Par tranche de 10 % pour une personne
Unité : euros
2000 (en euros) 2010 (en euros) Gain en euros Gain en %
Niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres 7 540 7 940 400 5,3
Niveau de vie entre les 10 et 20 % 10 630 11 750 1 120 10,5
Niveau de vie entre les 20 et 30 % 12 690 14 100 1 410 11,1
Niveau de vie entre les 30 et 40 % 14 530 16 190 1 660 11,4
Niveau de vie entre les 40 et 50 % 16 340 18 230 1 890 11,6
Niveau de vie entre les 50 et 60 % 18 300 20 380 2 080 11,4
Niveau de vie entre les 60 et 70 % 20 640 22 920 2 280 11,0
Niveau de vie entre les 70 et 80 % 23 790 26 340 2 550 10,7
Niveau de vie entre le 80 et 90 % 28 940 31 860 2 920 10,1
Niveau de vie des 10 % les plus riches 47 240 56 190 8 950 18,9
Rapport entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres 6,3 7,1
Ecart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres (en euros) 39 700 48 250
Après impôts et prestations sociales. Les séries ont été reconstituées pour éviter les ruptures de série qui existent en 2002 et 2005. Un décile est une tranche de 10 % de la population
Source : calculs de l’Observatoire des inégalités d’après l’Insee.

L’évolution des plus hauts revenus

Entre 2004 et 2009, les 0,01 % les plus riches ont vu leur revenu annuel s’accroître de près de 100 000 euros ! (données avant impôts, voir le tableau ci-dessus). Les inégalités se sont aussi accrues au niveau des 10 % les plus riches : le neuvième décile a touché 2 000 euros de plus en cinq ans, ce qui reste modeste rapporté aux 0,01 % les plus riches.

Hausse des revenus entre 2004 et 2009
Evolution des revenus annuels déclarés par personne
2004 (en euros) 2009 (en euros) Hausse (en %) Hausse en valeur (en euros)
Les 50 % des personnes les plus riches gagnent au moins 17 400 18 600 + 6,9 + 1 200
Hausse des plus hauts revenus
Les 10 % les plus riches gagnent au moins 35 400 37 400 + 5,6 + 2 000
Les 1 % les plus riches…….. 80 500 86 700 + 7,7 + 6 200
Les 0,1 % les plus riches…….. 201 300 223 100 + 10,8 + 21 800
Les 0,01 % les plus riches…….. 552 400 651 300 + 17,9 + 98 900
Ces revenus ne prennent pas en compte les impôts et les prestations sociales.
Source : Insee

Que s’est-il passé depuis 2010 ?

Tout en haut de la pyramide des revenus, les revenus financiers représentent une part importante des ressources et en 2009-2010 ce type de revenus a enregistré des performances moins bonnes. Mais il en est de même pour les plus bas revenus, lourdement frappés par la crise, et pour qui les pertes de ressources auront des conséquences bien plus dramatiques que pour ceux qui vivent de leurs rentes…

Conclusion :

Plus personne ne peut contester la hausse des inégalités dans les années récentes. Principalement parce que les revenus des très riches se sont envolés. Avec retard et avec moins d’ampleur, la France suit le chemin emprunté par les Etats-Unis dès le milieu des années 1970 et la Grande-Bretagne quelques années après. Les baisses d’impôts effectuées depuis dix ans ont accompagné ce mouvement.