L’Amérique est le plus inégalitaire des pays développés: 10% des actifs accaparent à eux seuls 50% des revenus.
Sans attendre Davos, le débat s’est engagé à Washington sur les moyens de combattre les inégalités et la pauvreté. Quatre ans et demi après le retour de la croissance aux États-Unis, les signes d’un marasme profond parmi les Américains les plus défavorisés abondent. La stagnation, voire la baisse des ventes des chaînes de distribution à bas prix, alors que les enseignes de luxe se portent bien, en est une illustration concrète.
Les statistiques donnent une meilleure idée du problème. Voilà trois années consécutives que le taux de pauvreté reste supérieur à 15%. On n’avait pas vu cela depuis 1965. Le revenu médian aux États-Unis a chuté de 4,4% depuis 2009, année du retour de la croissance. Pour les Noirs, le plongeon est de 11%. Barack Obama, en poste depuis janvier 2009, a du mal à vanter le succès de sa politique lorsque quelque 46 millions de ses compatriotes vivent dans la «pauvreté», terme défini par un revenu annuel inférieur à 23.492 dollars (17.363 euros) pour une famille de quatre personnes.
Top 1%: la frange des Américains les plus riches
Un rapport d’une commission du Congrès sur les inégalités, tout juste publié, souligne que, de 1993 à 2012, ceux que l’on appelle ici le «top 1%», c’est-à-dire la frange des Américains les plus riches, a vu ses revenus réels grimper de 86,1%, tandis que le reste du pays n’a connu qu’une appréciation de ses revenus de 6,6%. L’Amérique est le plus inégalitaires des pays riches: 10% des actifs accaparent la moitié des revenus.
Cette situation révolte les démocrates et trouble les républicains. Dans la perspective des législatives de novembre prochain, les deux partis élaborent des messages et proposent des solutions. Au niveau local, comme à New York, les démocrates dits «progressistes» sont les plus agressifs. Le maire de la ville, nouvellement élu, Bill de Blasio, met en avant une politique de redistribution visant à taxer davantage les riches pour mieux aider les pauvres. Cette approche, assimilée à du «socialisme» depuis les années Reagan, redevient attrayante auprès d’Américains déboussolés par la gravité de la crise.
Soucieux de surmonter l’échec du lancement de sa réforme de la santé, frustré par le refus des républicains au Congrès d’augmenter à nouveau les impôts, Barack Obama fait de la lutte contre les inégalités son nouveau cheval de bataille.
Déclin des valeurs familiales
Le président prône en particulier une revalorisation du salaire minimum et davantage de taxes sur les riches. Hostiles à cette dernière option, les républicains répliquent que la multiplication des réglementations fédérales étouffe les petites entreprises qui jouaient historiquement un rôle important dans la création de richesses pour les minorités.
Les candidats républicains probables à la Maison-Blanche, comme Marco Rubio, sénateur de Floride, accusent les démocrates de vouloir faire de l’Amérique un État-providence à l’européenne, en dépit de l’échec de ce modèle. Le déclin des valeurs familiales, notamment du mariage, explique, selon lui, les inégalités croissantes. «La vérité, c’est que pour sortir les familles, les enfants, de la pauvreté, le meilleur outil ce n’est pas un programme gouvernemental, c’est le mariage!», explique ce fils d’immigrant cubain, héros du Tea Party, qui rappelle que 71% des familles pauvres aux États-Unis sont des familles monoparentales.
Article original sur le site du Figaro.