Derrière les 400 Américains les plus riches, les inégalités explosent | Le Monde

Le Monde.fr |  • Mis à jour le  |Par Stéphane Lauer

On peut lire ce palmarès comme un bottin mondain, en pointant ceux qui gagnent des places (Bill Gates, Warren Buffett, Carl Icahn ou Mark Zuckerberg) et ceux qui en perdent.

New York, correspondant

Au moment où chacun tire un bilan de la crise financière, cinq ans tout juste après la faillite de la banque Lehman Brothers, le palmarès des Américains les plus riches, publié lundi 16 septembre par le magazineForbes, donne un éclairage instructif sur les principaux bénéficiaires de la reprise. Alors qu’aux Etats-Unis le taux de chômage peine à reculer et que les salaires stagnent, la fortune des 400 Américains les plus fortunés n’a jamais été aussi importante. En 2012, elle a passé la barre des 2 000 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la Russie. C’est 300 milliards de dollars de plus qu’en 2011 et plus du double qu’il y a dix ans, constate Forbes.

On peut lire ce palmarès comme un bottin mondain, en pointant ceux qui gagnent des places (Bill Gates, Warren Buffett, Carl Icahn ou Mark Zuckerberg) et ceux qui en perdent. Les aléas du classement, en somme. Mais l’enseignement le plus précieux est que, pour cette catégorie des 400 plus riches, la crise financière n’est qu’un lointain souvenir du point de vue de leur fortune, puisque celle-ci est globalement supérieure à ce qu’elle était en 2007.

Trois facteurs ont contribué à rendre les plus riches encore plus riches. La hausse de la Bourse, d’abord. Le Dow Jones a plus que doublé depuis 2009. L’économie sort de sa convalescence, mais surtout, la Bourse a bénéficié d’un afflux de liquidités sans précédent grâce aux politiques accommodantes de la Banque centrale américaine. Or 90 % des actions aux Etats-Unis sont détenues par les 10 % les plus riches. Deuxième facteur, la reprise des prix de l’immobilier, qui a créé un effet richesse, dont les plus fortunés ont été les principaux bénéficiaires. Enfin l’augmentation des profits des entreprises a permis de distribuer des dividendes généreux, tandis que la montagne de cash qu’elles ont accumulé les a incitées à racheter leurs propres actions, pour ensuite les annuler et augmenter ainsi mécaniquement la valeur de la part des actionnaires.

UNE PART GRANDISSANTE DE LA RICHESSE NATIONALE

Dans la dernière édition de leur étude sur les inégalités aux Etats-Unis, les économistes Emmanuel Saez et Thomas Piketty notent que 1 % des Américains les plus riches captent un cinquième du revenu total de la nation. Il s’agit du taux le plus élevé depuis 1913, date de la création par le gouvernement américain d’un impôt sur le revenu. Dans cette analyse, parue début septembre, M. Saez, économiste à l’université de Berkeley (Californie), explique que la Grande récession n’a que temporairement affecté les revenus les plus élevés et qu’elle n’a pas remis en question la part grandissante qu’ils occupent dans la richesse nationale depuis les années 1970. Le revenu des 0,01 % les plus riches a augmenté de plus de 32 % rien qu’en 2012. Les 1 % les plus privilégiés ont vu leur richesse plonger de 36 % pendant la récession, pour ensuite augmenter de 31 % en moyenne au cours de la reprise.

Les Américains sont donc loin d’être tous égaux face à la reprise. Pour les 99 % autres pour cent, le revenu a plongé de 12 %, mais ne s’est regonflé que de 0,4 % depuis. C’est-à-dire que le pourcentage le plus privilégié a capté 95 % des gains de la reprise, pointe encore M. Saez. Pis, quand on affine le panel, on se rend compte que 0,1 % des plus riches (ceux qui ont un revenu annuel supérieur à 1,9 million de dollars) ont capté plus de 60 % des gains de la reprise.

A titre indicatif, pour entrer dans le classement de Fortune, il faut gagner au minimum 1,3 milliard d’euros.