Inquiets pour leur avenir, les Français posent un regard sombre sur leur pays | Le Monde

LE MONDE | 03.12.2013 à 10h29 |

Par Jean-Baptiste de Montvalon

Râleurs – l’habitude qu’ils estiment partager le plus –, les Français portent un regard particulièrement sombre sur la société dans laquelle ils vivent ; et un jugement pour le moins pessimiste sur leur avenir. Telle est la confirmation apportée par une étude de l’institut CSA, réalisée par Internet du 14 au 21 novembre, auprès d’un échantillon de 2004 personnes, et rendue publique mardi 3 décembre.
Le diagnostic est sans appel : près des trois quarts des personnes interrogées estiment que la France est « en déclin » ; deux tiers approuvent l’idée selon laquelle on connaît « une crise sans précédent », dont « il sera difficile sortir sans réformer en profondeur le pays ». 58 % jugent que la mondialisation économique est « un danger » pour la France, contre 27 % qui y voient « une chance ».
77 % jugent que « les inégalités sociales en France se sont plutôt aggravées » au cours des dernières années. Plus d’un tiers disent être « en train de devenir pauvre » ; 55 % parmi ceux qui se rattachent aux classes populaires, 40 % pour les « classes moyennes modestes ».
LES FRANÇAIS NE SE RECONNAISSENT PAS DANS LES INSTITUTIONS
Si la création d’emplois et la croissance constituent les défis «les plus importants» aux yeux des Français, leur inquiétude n’est pas seulement d’ordre économique : les deux tiers des personnes interrogées estiment que « l’identité de la France est menacée ».
C’est peu dire que, dans ce contexte difficile, les Français se sentent désemparés. Ainsi ne se reconnaissent-ils pas dans la plupart des institutions censées les représenter. Les partis politiques (75 %), les syndicats (52 %), le Parlement (50 %), les médias (49 %) et la justice (43 %) évoquent majoritairement « quelque chose de négatif » pour les personnes interrogées. Alors que « voter aux élections » est cité comme « le moyen d’action le plus efficace pour faire entendre sa voix ou ses opinions », 88 % trouvent que les gouvernements, de gauche ou de droite,« ne se préoccupent pas des gens comme ».
Le repli sur un cercle proche va de pair : « la famille » est la valeur la plus appréciée. Et la méfiance vis-à-vis de l’autre est de mise : une majorité (54 %) juge qu’il y a « trop d’aides sociales » en France ; la « fraude aux aides sociales » vient en tête des sujets d’indignation, devant « la précarité de l’emploi » et « les incivilités ». « On ne se méfie pas seulement de ce qui est en haut, on se méfie aussi de celui qui est à côté », résume le président de CSA, Bernard Sananès.
DES MONDES QUI S’OPPOSENT
Si le diagnostic (fort sombre) est partagé, l’étude fait apparaître, comme le souligne M. Sananès, « plusieurs mondes qui s’opposent, se jalousent et cohabitent à peine ». 57 % des personnes interrogées estiment d’ailleurs que « ce qui divise les Français est plus fort que ce qui les rassemble ».
Cette dispersion a conduit CSA à établir cinq profils types et homogènes. Les deux groupes – l’un de gauche (22 %), l’autre de droite (25 %) – qui manifestent leur intégration selon différents critères (capital culturel plutôt élevé, niveau de vie assez confortable, vote massif à l’élection présidentielle) représentent moins de la moitié de l’échantillon.
Le groupe le plus important (31 %) constitue « la France amère ». Ses membres sont au coeur des classes moyennes, mais se situent pourtant dans les classes modestes ou populaires. Attachés à l’autorité, indignés par« l’assistanat », ils sont tentés par le Front national ou l’abstention. De moindre ampleur, les deux derniers groupes ne semblent pas plus en phase avec le « modèle » français : il s’agit, selon la terminologie choisie par CSA, de « la France en parallèle » (15 %) et de « la France absente » (7 %).

Article intégral sur le site du Monde.