Le Figaro, 9 septembre 2010
Par Marion Brunet
En 2009, le Secours catholique a aidé 80.000 personnes de plus qu’en 2008. Parmi eux, de plus en plus de travailleurs pauvres et de couples avec enfants.
Près d’1,5 million de personnes ont eu recours à l’aide du Secours catholique en 2009. Soit 80.000 de plus qu’en 2008. Après une baisse observée en 2007, le nombre de situations de pauvreté a augmenté de 2,1% l’an dernier pour la seconde année consécutive, selon un rapport de l’organisation catholique publié mardi. Parmi les personnes concernées : les chômeurs, les étrangers sans ressources, mais aussi les salariés et les ménages. Leur point commun ? L’extrême faiblesse de leurs ressources, insuffisantes pour faire face aux dépenses courantes et aux imprévus.
«La crise socio-économique et l’impact sur l’emploi rendent encore plus incertaine l’amélioration des conditions de vie et fragilise davantage les personnes», décryptent les auteurs du rapport. «Toutes ces personnes en difficultés ne sont pas de mauvais gestionnaires», souligne pour sa part Pierre Levené, le secrétaire général du Secours catholique. C’est «l’insuffisance de leurs ressources, absolument criante», qui est en cause, argue-t-il. «On est proche du scandale de laisser autant de gens avec si peu».
Dans 94% des cas, les personnes aidées vivent sous le seuil de pauvreté, établi à 950 euros par mois. Près d’un tiers (29%) sont de nationalité étrangère. La pauvreté touche aussi les jeunes : parmi les personnes recensées, 11% ont moins de 25 ans et la moitié moins de 40 ans. Mais de plus en plus d’actifs sont également touchés puisqu’ils représentent 62 % des personnes accueillies, parmi lesquelles des demandeurs d’emploi. «Ce sont des gens qui ont des revenus et qui, en d’autres temps, ne seraient pas venus nous voir», explique François Soulage, le président du Secours catholique, pour qui le revenu de solidarité active (RSA), créé en 2008 pour rendre l’emploi plus attractif, n’a pas changé la donne.
Le revenu mensuel médian des ménages à 759 euros
Autre fait marquant : la part des couples avec enfants en «situation de pauvreté» a augmenté en 2009. Ils représentent désormais 21,8% des situations rencontrées, contre 20,5% en 2008. «Lorsqu’un des deux adultes perd son emploi, la famille peut se trouver rapidement en difficulté», indique le rapport.
Le Secours catholique a tenté de mieux comprendre la situation des personnes en difficulté en analysant en détail le budget mensuel de 1.163 foyers. L’organisation évalue le revenu mensuel médian à 759 euros, hors aides au logement. «Nous avons été surpris par le résultat : pas une famille qui ne soit en déficit en fin de mois», affirme François Soulage. Ils n’ont aucun degré de liberté».
Les dépenses incompressibles – loyers, énergie, eau, mutuelles et assurances, impôts, transports, scolarité – représentent 515 euros, soit 68% du budget. Les dépenses de la vie courante (alimentation et habillement) sont quant à elle évaluées à 265 euros. Alors qu’à la fin du mois les comptes sont donc déjà dans le rouge (- 21 euros), il reste encore à financer, souvent par le crédit, les dépenses imprévues (pannes, problème de santé) et les dépenses «souples» (entretien du logement, du véhicule, loisirs). Le solde plonge alors à – 141 euros.
«En l’absence de revenus complémentaires, aucun des ménages que nous aidons ne peut faire face, sans basculer dans l’endettement, à ces charges exceptionnelles», concluent les auteurs du rapport. «Ils vivent au jour le jour sans souvent faire valoir leurs droits à des dispositifs qui pourraient les aider, faute notamment d’information suffisante (tarifs sociaux de l’énergie, CMU, RSA, etc.) ou par crainte d’être stigmatisés», souligne le rapport. Face à ce constat, le Secours catholique a dressé une liste de propositions: «créer un environnement plus porteur» pour les actifs avec davantage de places en crèche et de transports en milieu rural, relever les minima sociaux et revaloriser les aides publiques au logement ou encore favoriser les contrats à temps plein et la formation.