Le travail de Dieu ! (Lloyd Blankfein)

Publié le 8 mars 2013

par Emmanuel Toniutti

En novembre 2009, Lloyd Blankfein, CEO de Goldman Sachs, déclarait à un journaliste du Sunday Time« Je ne suis qu’un banquier qui fait le travail de Dieu ».

Puisque rien n’a changé depuis la crise financière de 2008, était-ce le lancement d’une nouvelle mode du leadership enseignée par un haut dirigeant ? Arrogance, provocation, cynisme…. ou péché ?

L’arrogance ?
Emprunté du latin arrogans, elle est « l’orgueil qui se manifeste par des manières hautaines et méprisantes » (1). Plus encore, celui qui l’utilise requiert quelque chose auquel il n’a pas droit. Du point de vue de l’éthique, l’orgueil est un vice. Il consiste à croire que nous avons toujours raison contre les autres, que nous sommes parfaits en toute situation, que nous savons mieux que les autres ce qui est bon pour eux. En philosophie, l’orgueil a à voir avec la démesure. Il s’agit d’un comportement qui ne prend pas en compte la réalité des choses mais seulement la satisfaction de l’intérêt personnel immédiat. Le démesuré est un glouton qui ne goûte pas, ne partage pas et se moque du regard que les autres peuvent poser sur lui.

La provocation ?
Emprunté du latin provocatio, elle est un défi, « un acte par lequel nous poussons quelqu’un à commettre une action répréhensible » (2). Autrement dit lorsque nous provoquons une personne, nous l’amenons naturellement à avoir une réaction violente envers nous ou quelqu’un d’autre. Mais la provocation est également un art de la guerre qui consiste à faire en sorte que l’adversaire se dévoile ; voire un art de la communication dont l’objectif est d’attirer les regards sur soi.

Le cynisme ?
Emprunté du grec kunysmos, il est l’attitude qui « pousse à exprimer sans ménagement des principes contraires à la morale » (3). En philosophie, les cyniques (V-IVème siècles avant notre ère) méprisaient les conventions sociales et affichaient leur indépendance d’esprit (4). Le cynique est un excentrique qui aime la mise en scène et pervertir les apparences. Il peut ainsi développer un art du jeu dont la confusion sert ses intérêts pragmatiques.
Faut-il aujourd’hui être arrogant, provocateur et cynique pour diriger les entreprises ? Et M. Blankfein serait-il seul à être concerné ? Il dit de lui ce que certains autres dirigeants pensent d’eux mêmes à voix basse. Faire le travail de Dieu, c’est se prendre pour Dieu, c’est se croire tout permis, c’est rendre les autres esclaves de sa propre puissance. C’est ce que nous appelons en théologie le péché. Le fait de croire que nous sachions, dans toute situation, distinguer le bien du mal ; et que nous pensions être immortels.
Voilà ce que le prophète Amos (5) disait, à une époque où le luxe des grands insultait déjà la misère des opprimés, en s’adressant aux dirigeants : « Écoutez ceci, vous qui écrasez le pauvre (…) vous qui dites : nous diminuerons la mesure, nous augmenterons le sicle, nous fausserons les balances pour tromper. Nous achèterons les faibles à prix d’argent et le pauvre pour une paire de sandales ; et nous vendrons les déchets du froment. Yahvé l’a juré par l’orgueil de Jacob : jamais je n’oublierai aucune de leurs actions. »

Ce ne sont pas les générations pratiquant l’injustice et l’impudence qui pâtissent aujourd’hui du mauvais usage qu’ils font de leurs talents mais leurs descendances. Il existe toujours un juste retour des choses, cela prend du temps. 
En avons-nous ENCORE ?…