Les inégalités en France | Alternatives économiques

Extraits du chapitre « Les riches toujours plus riches », dans le hors-série ‘Les inégalités en France’ (Alternatives économiques, septembre 2012)

• Les écarts de niveau de vie

Qui est riche et qui est pauvre en France ?

Une personne seule est en situation de pauvreté quand elle touche moins de 715 euros mensuels, un couple avec deux enfants, moins de 1820 euros.
Selon cette définition, 7,5% de la population française était considérée comme pauvre en 2009.
CREDOC : 30% de la population française touche 1160 euros par mois pour une personne seule, 2170 pour un couple sans enfant, et 3060 euros pour un couple avec deux enfants. Aisés, qui se situent parmi les 20% les plus riches : 2130 euros pour une personne seule, 5170 avec deux enfants. Les classes moyennes s’étendent entre ces deux ensembles, avec des revenus compris entre 1160 et 2130 euros pour une personne seule.
L’outil le plus utilisé pour mesurer les inégalités de revenus est le rapport entre ce que touchent les 10% les plus riches et ce que touchent les 10% les plus pauvres.

L’évolution des inégalités de revenus en France

L’outil le plus utilisé pour mesurer les inégalités de revenus est le rapport entre ce que touchent les 10% les plus riches et ce que touchent les 10% les plus pauvres, une mesure « relative » de inégalités.
La diminution des inégalités est nette depuis les années 70. Sur les années 1999-2009, le niveau de vie moyen des 10% les plus pauvres a progressé de 8,4%, soit 610 euros annuels. Celui des 10% les plus riches a augmenté de 18,2%, soit 8190 euros. L’écart relatif entre ces deux catégories a donc augmenté : les plus modestes touchent 6,7 fois moins que les plus aisés.
Plus personne ne peut contester la hausse des inégalités dans les années récentes, parce que les revenus des très riches se sont envolés. Avec retard et moins d’ampleur, la France suit le chemin emprunté par les États-Unis dès le milieu des années 70, et par le Royaume-Uni quelques années après.

À qui profite l’enrichissement de la France ?

Entre 1998 et 2008, le revenu global des ménages après impôts et prestations sociales s’est accru de 261 milliards d’euros en termes réels. Mais cette richesse a été largement captée par une minorité. Au cours de ces dix années, 2,8% de la richesse nationale sont allés aux 10% les plus pauvres, contre 31,7% pour les 10% les plus riches. Soit une part 11,3 fois plus importante.
Au cours des dix dernières années, la répartition s’est déformée au profit des 10% les plus aisés, qui possédaient 22,5% du revenu total en 1998.

• Les revenus du travail

L’évolution des inégalités de salaires

Les inégalités ont nettement diminué entre le milieu des années 60 et le début des années 80. Les mieux payés touchaient quatre fois plus que les moins payés en 1965, contre trois fois plus en 1983.
Sur longue période, il est sans doute plus juste d’observer les écarts relatifs, mais les données absolues permettent de comprendre pourquoi le sentiment d’inégalités croissantes augmente.

Les travailleurs pauvres en France

Un million de personnes exercent un emploi qui ne leur permet pas d’échapper à la pauvreté. Elles sont 1,9 million si on utilise le seuil de pauvreté fixé à 60% du revenu médian.
Cette pauvreté des travailleurs résulte de plusieurs facteurs. D’abord de la faiblesse des salaires dans de très nombreux secteurs. Ensuite du temps partiel, qui réduit en proportion les niveaux de vie, et du fractionnement des emplois : petits boulots, alternance de phases d’emploi et de chômage ou d’inactivité. Enfin, de la présence d’un seul revenu dans les ménages composés de plusieurs personnes.

• Les hauts revenus

L’explosion des très hauts revenus

Entre 2004 et 2008, les 0,01% les plus riches ont vu leur revenu annuel s’accroître de 33%, soit +180000 euros. Une augmentation équivalente à plus de onze années de Smic !
Concernant le 1% des plus riches, les chiffres sont beaucoup moins importants, mais l’augmentation est quand même d’au moins 7700 euros annuels (soit +10%).
Depuis 2008, la crise financière ayant fait lourdement chuter les revenus du patrimoine, il est fort probable que l’évolution des hauts revenus a été moins avantageuse, même si elle est restée bien supérieure à celle des bas revenus.

Grands patrons et cadres dirigeants : la démesure

Le revenu annuel des dix patrons les mieux payés du CAC40 représente en moyenne entre 162 et 275 années de Smic, selon les données 2010 publiées par Les Échos.
Beaucoup de chiffres sur les revenus du sport et du show-biz.

• Le patrimoine

Qui possède combien ?

Les 10% les plus fortunés détiennent près de la moitié de la richesse de la France et la moitié la moins fortunée seulement 7%. L’inégalité des patrimoines est encore plus accentuée que celle des revenus.
Une situation accentuée par une réduction continue ces dernières années du taux d’imposition sur l’héritage.

L’évolution des inégalités de patrimoine

En 2004, la fortune moyenne des 10% les plus riches était 680 fois plus élevée que celle des 10% les plus pauvres, soit un écart de 840000 euros. En 2010, elle est 920 fois plus élevée, avec 1,2 million d’euros de différence. Au cours de ces six années, les écarts entre les fortunes se sont nettement creusés, malgré la forte chute de la valeur des actions entre 2008 et 2010. Deux raisons principales expliquent ce phénomène : la hausse des écarts de revenus et celle de la valeur de l’immobilier.

• La pauvreté

Le nombre de personnes ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 50% du revenu médian, s’est accru de 760000 entre 2002 et 2009, soit une hausse de 20%.

Combien de pauvres ?

En 2009 la France comptait 4,5 millions de pauvres, si on fixe le seuil de pauvreté à 50% du niveau de vie médian, et 8,2 millions si on prend un seuil à 60% (définition européenne). Dans le premier cas, le taux de pauvreté est de 7,5% ; dans le second, il est de 13,5%. En 2009, le seuil de pauvreté situé à 60% du revenu médian était de 954 euros mensuels pour une personne seule, celui à 50% de 795 euros.
La pauvreté a baissé des années 70 au milieu des années 90. Elle est ensuite restée plutôt stable, jusqu’au début des années 2000. Mais entre 2002 et 2009, le nombre de personnes pauvres au seuil de 50% a augmenté de 760000 (+20%) et celui au seuil de 60% a progressé de 678000 (+9%). Les taux sont passés respectivement de 6,5 à 7,5% et de 12,9 à 13,5%.
Il ne s’agit pas pour autant d’une ‘explosion’. La France demeure un des pays qui comptent le moins de pauvres en Europe.

Les seuils de pauvreté

En France, une personne seule peut être considérée comme ‘pauvre’ lorsque ses revenus mensuels sont inférieurs à 795 ou 954 euros, selon la définition de la pauvreté utilisée (seuil à 50% ou à 60% du niveau de vie médian). Le revenu pris en compte est le revenu dit ‘disponible’, c’est-à-dire après impôts et prestations sociales.
En dépit du ralentissement de la croissance du PIB depuis les années 70, la France continue de s’enrichir. Le revenu médian augmente et avec lui, conséquemment, le seuil de pauvreté. Entre 1970 et 2009, le seuil de pauvreté à 50% du niveau de vie médian a doublé en euros constants, passé de 388 à 795 euros mensuels pour une personne seule. Les pauvres d’aujourd’hui sont donc ‘plus riches’ que ceux d’hier, mais ils ne vivent pas dans la même société, et les besoins ne sont plus les mêmes.

Les minima sociaux

Depuis le 1er juin 2009, le RMI a été remplacé par le RSA. Ce sont plus de 6 millions de personnes qui vivent de ce dispositif.

Qui sont les pauvres ?

Surtout des personnes de moins de 30 ans.
Un tiers des enfants pauvres vivent dans un foyer où aucun parent ne dispose d’un emploi.
Les plus de 60 ans sont moins souvent concernés par la pauvreté monétaire et ne constituent qu’un dixième des personnes pauvres.
Les femmes plus que les hommes : les femmes sont 2,4 millions à être en situation de pauvreté, soit 260000 de plus que les hommes. Elles représentent 53% des pauvres. Une part importante d’entre elles sont à la tête d’une famille monoparentale.
Les non-diplômés sont plus souvent touchés. 42,7% des pauvres ne disposent d’aucun diplôme, alors que seuls 4,6% ont un niveau bac+2 et au-delà. De même 9,8% des employés et 8,2% des ouvriers sont pauvres, contre 1,5% des cadres supérieurs.
Le gros contingent des inactifs et chômeurs.
Étrangers et immigrés : 16% de pauvres. Les immigrés représentaient 22,8% de l’ensemble des personnes pauvres. Leur taux de pauvreté était 2,8 fois supérieur à la moyenne.

• L’essor des riches

Dans les années 1990 et 2000, les riches se sont enrichis beaucoup vite que les autres et dans des proportions spectaculaires. Entre 2004 et 2007, tandis que les 90% les plus modestes de la population voyaient leurs revenus déclarés augmenter de 9% en moyenne, les 1% les plus aisés connaissaient, eux, une hausse de 16%, et les 0,01% de 40%. Selon une étude d’Olivier Godechot, les 1500 salariés français les mieux payés du secteur privé en 1995 gagnaient 25 fois plus que la moyenne des autres salariés ; en 2007, ce ratio était de 60 fois plus.
D’un côté, une distribution des salaires plus inégalitaire ; de l’autre une augmentation soutenue de la part allouée aux dividendes.
D’après Olivier Godechot, ce sont ainsi les cadres dirigeants de la finance qui occupent aujourd’hui le haut du pavé parmi les plus riches, alors qu’il y a une trentaine d’années, les capitaines d’industrie arrivaient en tête.
Depuis la tax revolt américaine des années Reagan dans la décennie 80, la plupart des pays développés ont baissé les impôts pesant sur les revenus et le patrimoine. Cette stratégie fait partie des politiques de l’offre néolibérales qui visaient à « libérer les freins à la croissance ».
Les véritables gagnants de la politique fiscale de l’ancien président seraient ceux qui possèdent un gros patrimoine et touchent des revenus modérés.
Si une augmentation sensible de la fiscalité des plus riches est légitime, ce n’est pas tant pour des raisons budgétaires que pour des raisons de justice sociale.

• Pauvreté : de la mesure à la réalité

En Europe, la pauvreté et officiellement définie comme le fait de vivre dans un ménage ayant des revenus inférieurs à 60% du revenu médian du pays de résidence. Comme toute convention, cette définition présente des défauts : elle masque les écarts de revenus entre les différents pays.
Jusqu’à une date récente, la France fixait le taux de pauvreté à 50% du revenu médian, et non à 60% comme au niveau européen. L’adoption du seuil à 60% a eu pour effet de doubler le nombre de personnes considérées comme pauvres en France.
Après transferts, le taux de pauvreté est divisé par deux en France, il est divisé par trois au Danemark.
Depuis le début des années 2000, la pauvreté s’est stabilisée, voire a recommencé à augmenter ces dernières années. Au sein de cette évolution quantitative, une transformation qualitative de la pauvreté apparaît : elle touche de plus en plus les populations d’âge actif et en particulier les jeunes.
L’indicateur officiel de pauvreté en Europe comporte des limites importantes. Sa relativité ne dit rien des inégalités au sein des populations pauvres. Pour mesurer ces inégalités, on calcule « l’intensité de la pauvreté », c’est-à-dire l’écart entre le revenu médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté.
En France, le terme d' »exclusion » s’est imposé comme la référence. Il signale l’importance du chômage de longue durée dans notre pays.

Sommaire du hors-série, publié en septembre 2012

• État des lieux
• Les riches toujours plus riches
• Quand l’école avantage les plus favorisés
• Emploi, chômage et conditions de travail
• Une amélioration inéquitable de la vie
• Les groupes sociaux en première ligne
• Des territoires contrastés
• Agir contre les inégalités