Les Suisses approuvent l’interdiction des parachutes dorés | Le Monde

Le Monde.fr avec AFP | 

 

Le sénateur Thomas Minder, à l'origine du référendum, le 3 mars à Genève.

 

Les Suisses ont largement approuvé l’initiative limitant les « rémunérations abusives » des patrons des sociétés suisses cotées dans le pays ou à l’étranger et qui prévoit d’interdire leurs parachutes dorés, selon les résultats officiels publiés dimanche 3 mars.

En Suisse, les initiatives – un droit donné aux citoyens suisses de faire une proposition de modification de loi – doivent être approuvées par la majorité du peuple et des cantons. L’initiative Minder, du nom de son initiateur, a été donc largement soutenue : selon la chancellerie fédérale, elle a été acceptée par 67,9 % des voix et tous les cantons ont dit « oui », ce qui est très rare. Il revient désormais au Parlement fédéral de traduire ce projet en loi.

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EN FINIR AVEC LES « RÉMUNÉRATIONS EXCESSIVES »

Interrogé par la télévision, le sénateur Thomas Minder a estimé que « le peuple a décidé de donner un signal fort envers les conseils d’administration, le conseil fédéral [gouvernement] et le Parlement ». Selon le texte soumis au vote des Suisses, la durée du mandat des membres du conseil d’administration devra être limitée à une année, et certaines formes de rémunérations, telles que les indemnités de départ – communément appelées parachutes dorés – ou les primes pour des achats d’entreprises, seront interdites.

En outre, aux termes du texte, les rémunérations du conseil d’administration et de la direction devront être approuvées obligatoirement par l’assemblée générale des actionnaires, qui devront voter chaque année la somme des rémunérations mise à disposition des membres du conseil d’administration et de la direction. Les sanctions en cas d’infraction vont d’une amende correspondant à six ans de revenu à trois années de prison.

TEXTE VIVEMENT COMBATTU PAR LES AUTORITÉS SUISSES

La prime de départ de 72 millions de francs suisses (60 millions d’euros), que le conseil d’administration du groupe pharmaceutique Novartis avait prévue pour son futur ex-président Daniel Vasella, avait soulevé en Suisse un véritable tollé fin février. M. Vasella, qui a été pendant des années le patron le mieux payé de ce pays, a finalement renoncé à ce parachute en or massif. L’émoi suscité par ce cas a contribué à mobiliser les Suisses dimanche.

Les sondages menés avant le scrutin avaient déjà prédit le « oui » à l’initiative. Ce texte a été vivement combattu par les autorités suisses, notamment le gouvernement et le Parlement, qui ont mis au point un contre-projet, moins réformateur et permettant d’opter pour des dérogations dans le cas des indemnités de départ.

L’UE S’APPRÊTE À PLAFONNER LES BONUS DES BANQUIERS

Roby Tschopp, directeur d’Actares, une association qui regroupe plus de 1 300 actionnaires en Suisse, a indiqué espérer que le Parlement reste fidèle au texte de l’initiative. En Suisse, a-t-il expliqué, « le Parlement a mandat de mettre en œuvre »la volonté du peuple. Mais les experts s’attendent à de longs débats, en raison notamment de la technicité du sujet. En outre, seuls le Parti socialiste et les Verts ont soutenu l’initiative, la droite et le centre l’ayant combattue.

Apparus aux Etats-Unis au début des années 1980, les « golden parachutes »devaient permettre d’attirer des dirigeants capables de redresser la situation des multinationales. Peu à peu, les sociétés européennes ont, elles aussi, eu recours à ce dispositif. Mais d’énormes indemnités de départ touchées par certains patrons, indépendamment de leur bilan, ont suscité de vives polémiques.

En France, les parachutes dorés et autres retraites chapeaux ne sont pas interdits mais sont soumis à des cotisations sociales. Le gouvernement a récemment alourdi la taxation des parachutes dorés et des retraites chapeaux (dans la loi de finances rectificative de 2012). En Europe, quatre ans après le début de la crise financière, l’Union européenne s’apprête à imposer aux banques un renforcement de leur capital et envisage pour la première fois de plafonner les bonus des banquiers, une décision qui suscite l’ire de Londres même si elle reste à confirmer.